"En danger??"
Caleb, autant surpris que méfiant de cette fille inconnue, avait du mal à croire que non seulement elle était sa sœur, mais qu'elle était au courant d'un danger quelconque qui le guettait.
"Si tu veux parler du tueur à gages de toute à l'heure, ouais, j'suis au courant." Dit Caleb, mi-sarcastique, se frottant le bras.
Judith soupira, et puis regarda la blessure sur son épaule. "C'est lui qui t'a fait ça?" Demanda-t-elle, visiblement non importunée par le ton de voix amer de Caleb.
"Ouais."
Elle resta silencieuse, puis, couvrant son bras métallique d'une cape, se dirigea vers la sortie. "Merci pour le masque, c'est apprécié, mais… j'aurais besoin d'un deuxième service." Dit-elle en se retournant. Caleb la suivit, les deux sortants du club. "Quoi?"
"J'aurais besoin que tu me suives. Chez moi."
Elle roula des yeux et soupira. "Enfin, chez nous."
Puis, l'ombre d'un sourire se dessina sur ses lèvres. "Tes parents ont hâte de te revoir."
Puis ses traits se durcirent. "Et aussi faudrait parler dans un endroit plus sûr." Elle pointa autour d'eux de sa main libre, montrant les passants et les immeubles. Caleb hocha des épaules, et la suivit vers une voiture.
Elle était noire, sillonnée de lignes rouge fluorescentes, qui mouvaient à cause des bosses et des grafignes sur le carrosse. Malgré l'apparence usée et cabossée, de l'intérieur, le cuir était lisse, étincelant, et sentait encore frais, noir de jais, comme le dehors, mais propre. En caressant les contours du siège de sa main droite, Caleb se tourna vers Judith, qui prit le volant et commença immédiatement à conduire.
Elle allait vite. Presque aussi vite que Caleb lui-même à moto.
Et ce n'était sans compter tous les détours et virages qu'elles faisait, évitant miraculeusement les poteaux électriques, les affiches holographiques et les passants terrifiés.
Il fallait avouer que maintenant, Caleb se sentait un peu intimidé. Elle avait déjà les traits durs, comme ceux d'une femme qui avait vu beaucoup de choses dans sa vie. Sans compter son corps assez musclé, presque autant que celui de Caleb, et ses quelques pansements et cicatrices sur son corps. Et pendant tout le long du trajet, elle se fit silencieuse, sourcils froncés et yeux rivés sur la route, sans même se tourner une seule seconde vers lui.
Qu'est-ce qui lui était donc arrivé..?
Soudainement, la voiture s'arrêta d'un coup sec, faisant basculer Caleb, sa ceinture lui rentrant dans les côtes. Il inspira profondément, et puis cligna des yeux, avant de regarder par la fenêtre.
C'était un grand bâtiment fait en briques. Accroché dessus, il y avait un grand panneau qui lisait "Complexe Mirabel".
Les deux sortirent de la voiture, et Judith fit un signe de la main vers l'établissement.
"Oh, c'est là qu'on va?" Demanda Caleb.
"Ouais." Répondit-elle fermement, avant de se diriger rapidement vers l'entrée.
Elle sortit une carte de sa poche, la faisant passer devant un vieux scanner qui fit un bip assez désagréable, Caleb lui emboîtant le pas pour ne pas la perdre lorsqu'elle se dirigea vers un ascenseur, qui avait l'air tout aussi mal en point et vieux que le reste de ce condo.
Judith poussa le bouton du troisième étage, et les deux attendirent en silence dans l'ascenseur. La boîte chavirait un peu, comme s'il allait tomber à n'importe quel instant, une pensée qui hanta Caleb jusqu'à ce que l'ascenseur s'arrête, enfin, et que Judith sorte rapidement, Caleb faisant de même.
L'endroit était assez bruyant maintenant. On pouvait entendre de loin de la musique, de l'électro-swing, venant sûrement d'un appartement près d'ici.
Puis soudainement, Judith s'arrêta devant une porte. Elle s'empara de son porte-clés, et la débarra, puis rentra, la porte grinçant lourdement en montrant derrière elle un petit appartement, bleu marin délavé, faisant face à une grande fenêtre d'où l'on pouvait voir la ville.
Judith s'arrêta, se tournant vers Caleb, et fit signe de la suivre.
"Maman? Papa?" S'exclama-t-elle, pendant que Caleb fermait la porte derrière lui.
Un vieil homme et une vieille femme s'approchèrent des deux jeunes, et s'arrêtèrent, fixant Caleb.
L'homme était petit, plus que Caleb lui-même. Il avait une tignasse châtaine courte, et un bandeau sur l'oeil, sourcils froncés. La femme, elle, était grande et mince, arborant une longue chevelure blonde, et des traits doux.
Mais, malgré les apparences opposées, sur le visage des deux, on pouvait voir du choc, et de l'espoir.
"C'est qui, ça?" Fit la femme, d'une voix toute aussi douce que son visage.
Judith jeta un regard vers Caleb, qui s'avança.
"J-j'm'appelle Caleb Beaupassant." Fit-il doucement.
Et, d'un coup, les deux furent surpris. Puis la femme se précipita vers lui et l'enlaça fortement, poussant un cri de joie, alors que l'homme resta planté là, silencieux, et les larmes aux yeux.
Caleb inspira, yeux écarquillés. Oh, elle avait des bras forts, ça c'était sûr.
"C'est lui?? C'est vraiment lui!?!" S'exclama la femme. Judith, qui se tenait à l'écart, ayant l'air un peu mal à l'aise, hocha la tête, et puis l'homme soupira et s'avança vers Caleb, le serrant à son tour.
Caleb ne pût s'empêcher de sourire.
Il ne connaissait pas ces gens, mais, ils lui ressemblaient beaucoup, et à voir leurs expressions, ils étaient contents de l'avoir retrouvé.
Après quelques minutes de plus, les deux parents se séparèrent, laissant Caleb respirer un peu.
"Ça fait bizarre, de se présenter à son propre fils, heh. Mon nom est Marie Beaupassant." Dit la femme, souriante.
L'homme s'avança. "Et je suis Azariah Beaupassant."
Caleb eut un petit hoquet, et sourit doucement. "C'est… c'est bon, de vous rencontrer, enfin…"
Marie sourit pleinement et rit doucement.
Puis, après quelques secondes de silence, Judith se râcla la gorge, et tapota l'épaule de Caleb.
"Bon, euh, va falloir t'expliquer tout, hein?"
Caleb hocha de la tête. "J'aimerais bien savoir comment vous avez fait pour me trouver."
Les quatres se dirigèrent vers une table, où étaient placés des assiettes remplies de nourriture.
"Nos souvenirs de toi sont vraiment vagues." Dit Judith, commençant à manger. Azariah fit signe à Caleb qu'il pouvait faire de même, avec un sourire amical.
"Pour ta mère et moi, Il n'y en a presque aucuns, mais Judith, elle, se souvenait de ton nom, et de ton visage."
Marie soupira. "C'était presque rien, et on a dû chercher fort."
Caleb avala sa bouchée, et regarda les trois. "Mais… est-ce que vous savez pourquoi vous avez perdu la mémoire?"
Judith secoua de la tête. "Nan. On se disait que p't'être toi tu saurais."
"Non… j'ai perdu tous mes souvenirs, moi aussi." Répondit Caleb, avant de regarder son bras. Peut être qu'ils pourraient l'aider…
"Vous savez c'est quoi, de la croatine?"
Les deux parents secouèrent de la tête. Mais Judith, elle, resta stoïque.
"C'est une sorte de métal. Nath - mon ami - en a trouvé dans mon bras."
Pendant que Caleb parlais, il posa son regard sur Judith, et haussa un sourcil. Le coin de sa bouche se tordit, et son oeil mécanique clignota.
Elle savait quelque chose.
Caleb soupira. "Bon, c'est pas grave. J'me disais que peut être vous saviez quelque chose."
Pourquoi restait-elle silencieuse?
"C'est qui ça, Nath?" Demanda Marie.
"Oh, c'est un inventeur. C'est lui qui a réparé mes jambes et fait les plans pour le visage de Judith."
La soirée se déroula assez doucement. Caleb appris que cet édifice était très beau 26 ans auparavant, mais, après manque de personnel d'hygiène et de budget, son apparence a commencé à se dégrader. Il apprit aussi que Marie était une boulangère, et qu'Azariah, lui, était un fleuriste.
Judith se fit très silencieuse pendant la conversation, et, lorsque les deux parents partirent se coucher, Caleb ne pût s'empêcher d'aller lui parler.
"T'a l'air de me cacher des choses, toi." Il lui dit, alors qu'elle s'était assise sur le fauteuil.
Elle le regarda, et grogna. "Pis. Quoi?"
"Tu me fait pas confiance, c'est ça?"
"Comment est-ce que j'peux être sûr que t'es vraiment digne de confiance?"
Elle pointa vers son bras. "De la croatine… c'est illégal. Très illégal. Comment t'a eu ça?" Siffla-t-elle, le regard noir.
"Je sais pas. Depuis que je me souviens j'ai toujours eu ça."
Judith le fixa un instant, sourcils froncés et yeux plissés, comme pour essayer d'être sûr qu'il disait la vérité, puis soupira. "Bon…"
Elle se leva, et plaça sa main sur son épaule. "Je sais peut être qui a fait ça. Mais… il faut pas le dire à papa et maman."
Elle s'empara de sa cape et lança un manteau sur Caleb. Il l'attrapa et l'enfila.
"Pourquoi?" Demanda-t-il en la suivant vers la sortie.
"Parce que…"
Ils étaient rendus dans l'ascenseur lorsqu'elle se tourna vers lui, et le fixa. "Ils savent pas que je traîne avec des… des gens comme ça."
Il remarqua trois longues balafres pâles sur sa joue gauche et, d'un coup, les morceaux du casse-tête se collèrent. Les cicatrices, l'attitude dure à cuir, les muscles.
"Oh. D'accord."
Pas le temps de poser des questions. Elle n'avait pas l'air de vouloir en parler.
L'ascenseur ouvrit ses portes, et les deux furent surpris de retrouver Azariah et Marie, se tenant devant eux.
"Je sais pas où vous allez, mais on vient avec vous!" Fit Maria d'un ton autoritaire.
Judith grogna, et soupira. "Mamaaan, j't'ai déjà dit de pas me suivre qua-"
"Et tu penses qu'on restera là à rien faire pendant que t'emmène Caleb je sais pas trop où? Oh non." Continua Marie. "On vous suit!"
Comments (0)
See all